Une seule fois

Je n’appuie pas sur le déclencheur, je conserve le temps qu’il y a entre lui et le doigt d’un autre, connu ou pas.

Avoir une photographie entre les mains, sentir la sienne, glacée, la manipuler, même sans l’avoir prise, c’est être photographe.

Le doigt s’appuie sur le monde. Il appuie dessus, déclenche, ne touche rien, ne trouve rien d’autre qu’une réaction en chaine, celle que je tiens maintenant.
Une rencontre se produit. Mais c'est une imposture.

Elle garde le silence.

Et si elle se mettait à parler, aussi au nom des autres : 
« Il nous fixe. L’interrogatoire peut prendre des heures avant que les tirages ne commencent. Toujours dans le noir. Le roulement de la minuterie. Le claquement de la lumière qui s’éteint ».
Le son et l’onde attisent et éteignent ces foyers immergés, où le visage incendié coule sans se noyer.
Il me fixe.
Cela n’arrive qu’une seule fois.